- L'important c'est le temps. Le temps qui s'arrêta, ce jour-là pour nous. Le temps
qui nous fit la révérence de nous oublier, s'inclinant devant le miracle d'une
rencontre, de deux coeurs qui se joignent et qui, l'espace d'un instant, ressentent
le pouvoir de l'éternité, et de se comprendre en silence.
(p.11)
- Plus tard, tout s'est effacé de ma mémoire comme par magie. Intellectuellement, je
sais que cela faisait très mal, mais psychologiquement, c'est comme si je n'avais
rien ressenti. Comme si ce n'était pas à mon corps que cela était arrivé, mais à
une autre qui me l'aurait raconté. Je pense que c'est la raison pour laquelle les
femmes n'en parlent pas, ou sont gênées, et c'est aussi la raison pour laquelle
elles peuvent avoir plusieurs enfants alors que, sur le moment, cela paraît
impossible. Tout s'efface : Il doit y avoir un programme dans le cerveau qui
supprime le souvenir de la douleur de l'accouchement. Chaque fois que j'essaie
de revenir sur ce ressenti, la mémoire résiste. Les traces s'estompent quand je
les convoque. Pire même : au fur et à mesure que le temps passe, j'y pense
comme à une souffrance agréable. A un moment difficile mais plaisant. J'ai une
certaine nostalgie des contractions d'avant la naissance. Intellectuellement, je
sais que c'était dur. Psychologiquement, j'en garde un souvenir ému.
(p.43/44)
- Le véritable amour, c'est celui qui se construit dans l'évolution du temps, non
celui qui se répète à l'identique comme on le souhaite dans le fantasme.
(p.91)
(Editions Albin Michel 2005. Lu dans la collection "Livre de Poche" n° 30731)
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