Emile Chartier dit Alain (1868-1951)

Propos sur les pouvoirs


  • Car enfin le trait le plus visible dans l'homme juste est de ne point vouloir du tout gouverner les autres, et de se gouverner seulement lui-même. Cela décide tout. Autant dire que les pires gouverneront. (p.44)

  • Quand le pouvoir n'est pas résolu à forcer l'obéissance, il n'y a plus d'obéissance. (p.160)

  • La liberté ne va pas sans l'ordre ; l'ordre ne vaut rien sans la liberté. (p.162)

  • Le difficile, voyez-vous, c'est d'être modéré sans être faible. (p.170)

    (dans Edition Gallimard 1985.Collection Folio)


Emile Chartier dit Alain (1868-1951)

Propos sur le bonheur


  • L'impatience d'un homme et son humeur viennent quelquefois de ce qu'il est resté trop longtemps debout ; ne raisonnez point contre son humeur, mais offrez-lui un siège. (p.8)

  • Quand un homme a peur la colère n'est pas loin ; l'irritation suit l'excitation. (p.9)

  • ...l'effort qu'on fait pour être heureux n'est jamais perdu. (p.12)

  • Il y a plus de volonté qu'on ne croit dans le bonheur. (p.13)

  • Toute la force de l'incrédulité est en ceci qu'on ne veut point consulter l'oracle ; Dès qu'on le consulte, il faut y croire un peu. (p.23)

  • ..nos semblables ont grande puissance sur nous, par leur présence seule, par les seuls signes de leurs émotions et de leurs passions. (p.26)

  • Je ne sais pas trop ce que je puis espérer de la médecine, mais je sais très bien ce que j'en puis craindre. (p.34)

  • Réagir contre l'humeur, ce n'est point l'affaire de jugement; il n'y peut rien; mais il faut changer l'attitude... (p.37)

  • Dans l'imagination des survivants, les morts ne cessent jamais de mourir. (p.42)

  • Mais le secret du sage est encore plus beau, d'après lequel la volonté n'a aucune prise sur les passions, mais a prise directe sur les mouvements. Il est plus facile de prendre un violon et d'en jouer que de se faire, comme on dit, une raison. (p.47)

  • Ce n'est point la pensée qui nous délivre des passions, mais c'est plutôt l'action qui nous délivre. (p.48)

  • Il n'y a qu'une manière de résister au froid, c'est d'en être content. (p.56)

  • L'espérance fait naître les raisons d'espérer, et le bon présage fait arriver la chose. (p.56)

  • L'art de vivre consiste d'abord, il me semble, à ne se point quereller soi-même sur le parti qu'on a pris ni sur le métier qu'on a fait.

  • ...il est toujours temps de vouloir. Et le marin ne rirait-il pas de vous si vous lui disiez que toute la traversée dépend du premier coup de barre ? C'est pourtant ce que l'on voudrait faire croire aux enfants ; mais heureusement ils n'écoutent guère; encore trop pourtant, s'il viennent à former l'idée métaphysique d'après laquelle ils jouent toute leur existence sur b a ba . Cette funeste idée ne les change guère dans l'enfance et leur nuit plus tard, car c'est l'excuse des faibles qui fait les faibles. La fatalité est la tête de Méduse. (p.62)

  • Il n'y a que l'oeuvre d'homme qui soit pour l'homme. (p.72)

  • On n'agirait jamais, si l'on considérait le poids immense des choses et la faiblesse de l'homme. C'est pourquoi il faut agir et penser son action. (p.74)

  • Mais l'évènement, qui tue si aisément un homme, n'arrive pas à le changer. (p.78)

  • Le propre de l'homme fort est de marquer toutes choses de son sceaux. (p.78)

  • Il y a une assurance gratuite contre les risques du jeu; il suffit de ne point jouer. (p.108)

  • Les plaisirs de l'amour font oublier l'amour du plaisir. (p.118)

  • Plus on sait et plus on est capable d'apprendre. (p.123)

  • « Regarde au loin. » Presque toujours le mélancolique est un homme qui lit trop. (p.131)

  • Celui qui met toute son attention sur un acte difficile, celui-là est parfaitement heureux. (p.151)

  • Un coeur sensible est toujours misanthrope un peu. (p.151)

  • Car tout dépend souvent d'une première attitude que l'on prend. (p.160)

  • Si j'avais, par aventure à écrire un traité de morale, je mettrais la bonne humeur au premier rang des devoirs. (p.184)

  • Il faut être heureux et y mettre du sien. (p.235)

  • Quelque étrange que cela paraisse d'abord, il faut jurer d'être heureux. (p.234)

    (Editions Gallimard.1928. Collection Idées)


Emile Chartier dit Alain (1868-1951)

Propos sur l'éducation


  • ..ceux qui refusent la méthode sévère ne vaudront jamais rien. (p.11)

  • Il n'y a point d'expérience qui élève mieux un homme que la découverte d'un plaisir supérieur, qu'il aurait toujours ignoré s'il n'avait point pris d'abord un peu de peine. (p.15)

  • Car à s'informer de tout, on ne sait jamais rien. (p.20)

  • Or, la principale de toutes les leçons, et de bien loin la plus importante, c'est qu'on ne peut ruser devant la nécessité. (p.29)

  • Qui n'est pas pharisien d'abord, comment se guérirait-il de l'être ? (p.46)

  • C'est un mal irréparable, et trop commun, de douter avant d'être sur. (p.48)

  • Si l'art d'instruire ne prend pour fin que d'éclairer les génies, il faut en rire, car les génies bondissent au premier appel, et percent la broussaille. Mais ceux qui s'accrochent partout et se trompent sur tout, ceux qui sont sujets à perdre courage et à désespérer de leur esprit, c'est ceux-là qu'il faut aider. (p.53)

  • Ce monde ira toujours comme il va, si le trésor des Humanités est réservé à ceux qui en sont le plus dignes. Au contraire, si l'on se mettait à instruire les ignorants, nous verrions du nouveau. (p.54)

  • Comme la Neuvième symphonie , on n'en avait pas l'idée avant qu'elle fût. (p.62)

  • Le souvenir commence avec la cicatrice. (p.73)

  • L'orthographe est de respect ; c'est une sorte de politesse. (p.126)

  • Nul homme n'existe ou n'agit par vertu du voisin. (p.144)

  • Les examens sont des exercices de volonté. En cela ils sont tous beaux et bons. Ceux qui s'excusent de ce qu'ils sont timides, troublés, vidés par l'angoisse s'excusent très mal; ces fautes de trop espérer, de trop craindre, enfin de ne point se gouverner virilement, sont les plus grandes fautes et peut-être les seules fautes. (p.195)

  • Savoir, et ne point faire usage de ce qu'on sait, c'est pire qu'ignorer. L'ignorance n'est rien; elle ne fait connaître aucun vice de l'esprit; au contraire la faute par émotion fait paraître un esprit inculte, et je dirai même un esprit injuste. (p.196)

  • On conte de certains sauvages qu'ils ordonnent aux vieilles gens de se pendre aux branches par les mains, et qu'ils secouent afin de reconnaître ceux qui ont encore permission de vivre. Mais ce n'est que symbole, sans aucune réalité. En toute société, vieillesse est assise dans l'arbre, et il est défendu de secouer. (p.200)

    (Première édition: 1932. lu dans collection Quadrige/PUF)


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dernière mise à jour : 11/11/2019 version: YF:11/2001