- Dieu ? C'est une façon de parler. Car de Dieu, on ne sait
rien. C'est de la religion qu'il s'agit, c'est-à-dire des mille manières dont
les hommes s'imaginent la divinité et organisent leurs relations avec elle et
avec
leurs semblables.
(p.9)
- Oui, la religion s'est mondialisée. Habitué que vous êtes à
penser le monde selon vos critères philosophiques d'Occidental, vous avez du
mal à comprendre à quel point l'Occident et ses fils spirituels sont
minoritaires dans ce vaste monde.
(p.11)
- Pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la statistique
et tout avec l'histoire, le judaïsme est systématiquement rangé dans la
catégorie des « grandes religions ». Or il y a quelque treize millions de
Juifs par le monde, soit moins d'une métropole du Tiers Monde de moyenne
importance, et dont beaucoup sont de juifs « ethniques », sans autre lien avec
la religion de leurs pères qu'historique et sentimental.
(p.13)
- [...] Comment affronteriez-vous un phénomène auquel rien ne
vous a préparé ? Il faut vous y faire pourtant, il y va de vos valeurs, de vos
libertés, de votre mode de vie, de l'avenir de vos enfants. il faut que vous
sachiez à qui vous avez affaire.
(p.14)
- Plus difficile est de comprendre à quel point le mot même
de « religion » n'a de sens que dans nos catégories mentales d'Occidentaux.
(p.18)
- Certes, le sacré est bien l'une des expériences humaines
réellement universelles ; mais la religion et le sacré ne sont pas
nécessairement la même chose.
(p.20)
- [...] ni le judaïsme ni l'islam ne conçoivent la religion
comme un système distinct des autres formes d'activité sociale, car tous les
deux constituent des systèmes totaux, façonnés dès l'origine par une
relation particulière au sacré.
(p.21)
- La religion, toute religion, reste d'abord une affaire de
groupe, c'est-à-dire de pouvoir.
(p.25)
- Il est grand temps que le citoyen s'en souvienne, lui aussi
: toute religion est politique.. Sauf dans nos sociétés dûment
sécularisées, précisément.
Qu'est-ce que cela veut dire ? D'abord que, sauf dans nos
sociétés dûment sécularisées, cette orthodoxie et cette orthopraxie, il est de
l'obligation du groupe de l'imposer à l'individu, pour son propre salut comme
pour le salut de la communauté, s'il le faut contre sa propre volonté.
(p.25)
- Toute religion révélée est une religion de combat ;
seules les armes changent, et l'ardeur de s'en servir.
Enfin, que la religion, toute religion légitime des
hiérarchies. Il y a d'abord la distinction primordiale et universelle entre les
hommes et les femmes. Il y a ensuite la séparation radicale entre purs et
impurs. Et il y a enfin la hiérarchie formelle ou informelle, fondée sur l'âge,
le titre, la fonction, le savoir, ou le charisme, ou sur une combinaison de
tous ces éléments ou d'une partie d'entre eux, des hommes de religion.
On aura compris, le message religieux inscrit l'ordre social
dans un ordre qui le dépasse -- dans une hiérarchie cosmique. [...] Résister à
l'ordre social, c'est résister aux dieux.
(p.26/27)
- Le fondamentalisme révolutionnaire est un système où la
religion investit l'ensemble du champ politique, en réduisant la complexité de
la vie à un principe explicatif unique, violemment exclusif de tous les autres.
À l'instar du communisme ou du fascisme naguère, il fonctionne comme une
idéologie totalitaire.
(p.43)
- Combien, avant août 1940, avaient lu Mein Kampf ?
Combien, parmi ceux qui l'ont lu ; lui ont prêté foi ? Combien, aujourd'hui,
lisent la littérature abondante des fous de Dieu ? Combien croient le petit
Hitler de Téhéran lorsqu'il promet de « rayer Israël de la carte » — autrement
dit, comme il est peu probable qu'Israël se laisse faire, d'entraîner la région
et le monde dans une catastrophe nucléaire ?
Une longue fréquentation de ces agités m'a convaincu qu'il
fallait les croire sur parole. C'est le début de la sagesse. Le cynisme est
l'apanage des gens raisonnables ; les fanatiques sont gens sincères, hélas !
(p.114)
- Reculer comme les Américains l'ont fait parce qu'ils ont
perdu des hommes en Somalie, comme les Américains et les Français l'ont fait
parce qu'ils ont été victimes dix ans auparavant d'attentats terroristes du
Hezbollah à Beyrouth, c'est toujours, Ben Laden nous le dit, une preuve de
faiblesse. Et la faiblesse se paye cher, très cher. Ce n'est pas une question
de haute stratégie, mais de psychologie : le fondamentalisme révolutionnaire
musulman est un homme pieux, certes, mais aussi un indécrottable macho, qui
comprend et respecte la force.
(p.118/119)
(Flammarion 2006 ISBN 978-2-08606904760)
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