Elie Barnavi (1946 - ....)

Les religions meurtrières


  •     Dieu ? C'est une façon de parler. Car de Dieu, on ne sait rien. C'est de la religion qu'il s'agit, c'est-à-dire des mille manières dont les hommes s'imaginent la divinité et organisent leurs relations avec elle et avec leurs semblables. (p.9)

  •     Oui, la religion s'est mondialisée. Habitué que vous êtes à penser le monde selon vos critères philosophiques d'Occidental, vous avez du mal à comprendre à quel point l'Occident et ses fils spirituels sont minoritaires dans ce vaste monde. (p.11)

  •     Pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la statistique et tout avec l'histoire, le judaïsme est systématiquement rangé dans la catégorie des « grandes religions ». Or il y a quelque treize millions de Juifs par le monde, soit moins d'une métropole du Tiers Monde de moyenne importance, et dont beaucoup sont de juifs « ethniques », sans autre lien avec la religion de leurs pères qu'historique et sentimental. (p.13)

  •     [...] Comment affronteriez-vous un phénomène auquel rien ne vous a préparé ? Il faut vous y faire pourtant, il y va de vos valeurs, de vos libertés, de votre mode de vie, de l'avenir de vos enfants. il faut que vous sachiez à qui vous avez affaire. (p.14)

  •     Plus difficile est de comprendre à quel point le mot même de « religion » n'a de sens que dans nos catégories mentales d'Occidentaux. (p.18)

  •     Certes, le sacré est bien l'une des expériences humaines réellement universelles ; mais la religion et le sacré ne sont pas nécessairement la même chose. (p.20)

  •     [...] ni le judaïsme ni l'islam ne conçoivent la religion comme un système distinct des autres formes d'activité sociale, car tous les deux constituent des systèmes totaux, façonnés dès l'origine par une relation particulière au sacré. (p.21)

  •     La religion, toute religion, reste d'abord une affaire de groupe, c'est-à-dire de pouvoir. (p.25)

  •     Il est grand temps que le citoyen s'en souvienne, lui aussi : toute religion est politique.. Sauf dans nos sociétés dûment sécularisées, précisément.
        Qu'est-ce que cela veut dire ? D'abord que, sauf dans nos sociétés dûment sécularisées, cette orthodoxie et cette orthopraxie, il est de l'obligation du groupe de l'imposer à l'individu, pour son propre salut comme pour le salut de la communauté, s'il le faut contre sa propre volonté. (p.25)

  •     Toute religion révélée est une religion de combat ; seules les armes changent, et l'ardeur de s'en servir.
        Enfin, que la religion, toute religion légitime des hiérarchies. Il y a d'abord la distinction primordiale et universelle entre les hommes et les femmes. Il y a ensuite la séparation radicale entre purs et impurs. Et il y a enfin la hiérarchie formelle ou informelle, fondée sur l'âge, le titre, la fonction, le savoir, ou le charisme, ou sur une combinaison de tous ces éléments ou d'une partie d'entre eux, des hommes de religion.
        On aura compris, le message religieux inscrit l'ordre social dans un ordre qui le dépasse -- dans une hiérarchie cosmique. [...] Résister à l'ordre social, c'est résister aux dieux. (p.26/27)

  •     Le fondamentalisme révolutionnaire est un système où la religion investit l'ensemble du champ politique, en réduisant la complexité de la vie à un principe explicatif unique, violemment exclusif de tous les autres. À l'instar du communisme ou du fascisme naguère, il fonctionne comme une idéologie totalitaire. (p.43)

  •     Combien, avant août 1940, avaient lu Mein Kampf ? Combien, parmi ceux qui l'ont lu ; lui ont prêté foi ? Combien, aujourd'hui, lisent la littérature abondante des fous de Dieu ? Combien croient le petit Hitler de Téhéran lorsqu'il promet de « rayer Israël de la carte » — autrement dit, comme il est peu probable qu'Israël se laisse faire, d'entraîner la région et le monde dans une catastrophe nucléaire ?
        Une longue fréquentation de ces agités m'a convaincu qu'il fallait les croire sur parole. C'est le début de la sagesse. Le cynisme est l'apanage des gens raisonnables ; les fanatiques sont gens sincères, hélas ! (p.114)

  •     Reculer comme les Américains l'ont fait parce qu'ils ont perdu des hommes en Somalie, comme les Américains et les Français l'ont fait parce qu'ils ont été victimes dix ans auparavant d'attentats terroristes du Hezbollah à Beyrouth, c'est toujours, Ben Laden nous le dit, une preuve de faiblesse. Et la faiblesse se paye cher, très cher. Ce n'est pas une question de haute stratégie, mais de psychologie : le fondamentalisme révolutionnaire musulman est un homme pieux, certes, mais aussi un indécrottable macho, qui comprend et respecte la force. (p.118/119)

    (Flammarion 2006 ISBN 978-2-08606904760)



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dernière mise à jour : 17/06/2024 version: YF:06/2024