- En public, les dirigeants sionistes font rarement mentions de
l'hostilité ouverte qui les entoure. En privé, en revanche, et dépit de la
brève flambée d'optimisme des années 1917-1918, une forme de résignation
fataliste est souvent au rendez-vous. « Tout le monde perçoit la difficulté de
la question des rapports entre Juifs et Arabes, déclare Ben Gourion en juin
1919, mais tout le monde ne voit pas que le problème n'a pas de solution.
Aucune ! C'est un gouffre que rien ne pourra combler [...] Nous, en tant que
nation, voulons que cette nation, voulons que cette terre soit la nôtre ; Les
Arabes, en tant que nation, veulent que cette terre soit la leur. »
(p.26)
- C'est ainsi qu'au fil des années, le conflit se fige. Ni
réinstallation, ni compensation financière, ni frontières définies. Vieux
désormais de près d'un siècle et demi, il met en face à face deux aspirations
nationales et deux légitimités ancrées dans des temporalités différentes. À
les regarder aujourd'hui, on a le sentiment que la guerre de 1948 n'est
tojours pas terminée.
(p.117)
- La nature du mouvement national juif à déterminer la
singularité de ce conflit, laquelle a favorisé des schémas d'explication
classique, voire des simplifications le plus souvent ineptes à en rendre compte.
C'est pourquoi il est essentiel de décrypter la genèse, d'interroger les
certitudes des deux camps et de questionner les enjeux qui sont en cause chez
chacun d'entre eux.
Si ce conflit met en scène deux nationalismes qui se disputent
une même terre, il oppose aussi deux sociétés séparées par des blocages
d'ordre culturel, essentiels mais le plus souvent sous-estimés. De là deux
discours qui cheminent parallèlement, animés par des logiques également
légitimes, mais qui demeurent encore généralement ignorants l'un de l'autre.
(p.118)
(Que sait-je ? novembre 2023 ISBN 978-2-13-079489-9)
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