- C'est à cette époque [1930] que j'ai commencé à comprendre que notre monde était
devenu trop complexe pour des êtres humains, que le thème principal de notre
temps serait la fuite, l'évasion aveugle d'un quotidien insupportable, vers la
folie, la violence, la destruction.
(p.88)
- L'exploration de ce que Dieu crée par la voie de la nature est une activité sans
fin. Si Kepler et bien d'autres le savaient, on l'a à présent oublié. On peut
aussi espérer d'une manière générale que notre chemin nous mène à la compréhension,
mais la plupart du temps il ne nous mène qu'à des explications. La distinction
entre ces deux notions se fait de moins en moins, j'ai récemment tenté d'exposer
cette substitution dans un article. j'ai lu quelque part qu'Einstein avait dit :
" Ce qu'il y a d'incompréhensible dans la nature, c'est qu'on puisse la comprendre";
selon moi, il aurait dû dire: "qu'on peut l'expliquer". Il s'agit de deux choses
différentes, car nous comprenons bien peu de choses de la nature. Même
les plus exactes des sciences exactes planent au-dessus d'abimes axiomatiques
impossibles à explorer. [YF:je souligne]
(p.100)
- Je suis peut-être le stoïcien le moins patient qui ait jamais existé, mais je n'en
suis pas moins un stoïcien.
(p.122)
- La seule chose que peut aujourd'hui nous enseigner l'expérience, c'est qu'elle
n'a plus aucune valeur.
(p.137)
- On pourrait dire que la foi en un cosmos ordonné fait partie de la condition
humaine.
(p.265)
- Une balance qui ne frémit pas ne peut pas peser. Un homme qui ne frémit pas ne
peut pas vivre.
(p.279)
- Demandez à la lave où elle va. Elle répondra par ce que j'ai appelé la doctrine du
diable : "Ce qu'il est possible de faire doit être fait". Et il y a tant de
chose qu'il est possible de faire!
(p.289/290)
- La malédiction de notre époque est que des gens faibles, déguisés en spécialistes,
se voient contraints de prendre des décisions d'une immense portée.
(p.294)
- Ce monde nous est prête. Nous ne faisons qu'y passer, et au bout de peu de temps,
nous laissons la terre, l'eau et l'air à ceux qui nous succèdent. Ma génération
- ou peut-être celle qui l'a précédée - est la première à avoir livré à la
nature une guerre coloniale exterminatrice sous la bannière des sciences. L'avenir
nous maudire pour cela.
(p.297)
- L'idéal américain du spécialiste est de garder son sang-froid. Les spécialistes
partagent-ils cette propriété avec les reptiles ?
(p.298)
- Au détour d'une page d'Héraclite, mon regard est tombé sur cette phrase: "Qu'il
monte ou qu'il descente, le chemin est le même.". j'ai décidé qu'Héraclite avait
tort.
(p.310)
- L'indolence est réellement la seule réponse à un univers absurde.
(p.314)
- - Que t'ont appris les sciences ?
- Une seule chose: il faut se laver les mains avant de toucher la nature.
(Edition Viviane Hamy 2006 Traduit de l'allemand par Chantal Philippe)
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