Jean-François Deniau (1928-2007)
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La mer est ronde
- Car si le plaisir de découvrir et de connaître est grand, il n'en est
pas de plus fort que celui de reconnaître.
(p.27)
- La vérité est qu'être naturellement et volontairement marin a toujours
été une exception
(p.54)
- [en Méditerranée] Il faut donc toujours avoir en tête, quand on part et
qu'on se fixe un objectif, l'idée de ce que pourrait être son port de
refuge si on devait mettre en fuite en fonction d'un coup de vent.
Compte tenu des distances modestes, il y en a toujours un accessible
quelque part, et pas trop loin.
(p.63)
- Un moteur hors-bord n'est dangereux que quand on croit qu'il marche.
Quand on sait très bien qu'il ne marche pas, il n'y a pas de surprise
et il ne présente plus aucun risque.
(p.79)
- Tous les bateaux ont leurs vertus, le plus beau est le vôtre. Malheureusement,
comme chaque propriétaire de bateau le sait, il lui faudrait un mètre de plus
pour être parfait.
(p.85)
- La musique est l'organisation du silence comme le bateau est l'organisation de
la solitude.
(p.93)
- Naviguer, c'est même, à tous points de vue l'art d'essayer de réduire le hasard.
(p.110)
- Apprendre à naviguer, c'est d'abord apprendre ce qu'il ne faut pas faire.
(p.122)
- Mais la beauté ne veut pas dire le bonheur. Le bonheur n'a pas la forme de la
mer, il a celui d'une île, d'une île au loin.
C'est un moment d'émotion rare qui s'apparente à l'amour et plus encore à la
naissance de l'amour, que celui où le navigateur, après une longue course,
voit se dessiner au loin la ligne de la côte qu'il attendait et que seul un
oeil exercé peut distinguer de celle des nuages les plus bas.
(p.123)
- Toute île au loin pourrait s'appeler la Désirade.
...
C'est un moment dans le temps, juste le temps d'une rencontre. Le bonheur en
mer est fait d'îles, c'est à dire de brèves et surprenantes rencontres.
(p.124)
- Il y a peu de mystères plus attirants que celui d'une île au loin.
(p.130)
- L'esprit humain est ainsi fait que quiconque débarque dans une île se croit un
peu un explorateur, même si elle est aussi connue que l'île de la Cité
et desservie par le métropolitain.
(p.138)
- Il faut de nouveau naviguer, si l'on veut d'autres escales. Il ne faut pas
s'attacher, il faut seulement se souvenir.
(p.154)
- Il ne faut jamais dire la vérité quand elle n'est pas vraisemblable
(p.156)
- La voile est l'école de l'attention, et des attentions. Elle enseigne le soin
dans le détail, la non passivité, la capacité de se mettre à tous moments, en
quelques sorte, à la place de l'autre, l'autre étant ou le foc, ou le spi, ou
quelque autre voile encore dans son sac...
(p.187)
- La vie à bord dépend bien sûr de la qualité des gens qui sont à bord. Le
bateau est un des meilleurs révélateurs de caractère qu'on puisse imaginer.
(p.202)
- ..comme l'a dit M. de Kersauzon d'une phrase lapidaire, « Un homme qui tombe à
la mer n'a pas sa place à bord ».
(p.203)
- Tout, sur un bateau, qu'il s'agisse de la coque, du gréement, des manoeuvres,
a un nom, et c'est non seulement utile, mais indispensable. Commander sur
un bateau, c'est nommer.
(p.208)
- En mer, la meilleure façon de survivre est quand même de rester à bord.
(p.239)
- Non, la maxime doit être, si l'on ne déteste pas les risques, de prendre le
maximum de risques avec le maximum de précautions.
(p.243)
- On dira ce qu'on voudra, le froid-aux-pieds, c'est l'ennemi du genre humain. Un
marin qui ne pense pas à avoir toujours avec lui, même sous les Tropiques, une
paire de chaussettes chaudes, n'est simplement pas digne de ce nom...
(p.249)
- Toute solitude est une liberté et toute solitude est une prison. Toute
puissance est une liberté et toute puissance est une prison.
(p.256)
(Éditions Gallimard 1981 et 1992 lu dans la collection Folio)
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Jean-François Deniau (1928-2007)
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Mémoires de 7 vies
- Le premier courage est d'abord de ne pas renoncer.
(p.13)
- Toute douleur ou angoisse est d'abord une solitude. On ne partage pas le mal
physique.
(p.21)
- Comment gagner au bridge ou au poker menteur si on refuse de s'asseoir à la
table de jeu ? Et comment se plaindre d'avoir perdu alors qu'on n'a pas voulu
jouer ?
(p.40)
- Le seul grand mystère est de savoir en ce monde ce qu'il faut laisser au
mystère.
(p.52)
- Les Celtes considéraient que ce qui est important ne doit jamais être écrit,
mais seulement dit. Il est impossible de savoir qui vous lira. Il est possible
de savoir qui vous entend. Donc si on est sérieux, on parle, on n'écrit pas.
(p.114)
- Une vie humaine n'a d'autre sens que de rencontrer l'enfant qu'on a été et de
lui donner raison
(p.138)
- Demandons-nous seulement quel exemple nous aimerions laisser.
(p.169)
- Xavier [le frère de Jean-François Deniau], passionné bien avant tout le monde
par les calculs de probabilités, à intégré la loterie nationale dans ses
activités. Mais sachant que les chances de gagner y sont plus faibles pour le
joueur que pour l'Etat, il a inversé le système : Chaque semaine il note
soigneusement le numéro qu'il ne prend pas 750027 Série B gueules
cassées. Ainsi le jour du tirage a-t-il toutes les angoisses du
parieur, qui font partie du plaisir, puis normalement, les chances étant de son
côté, la joie de constater qu'il n'a pas gagné.
(p.188)
- Rappelons que pour toute navigation heureuse, il faut respecter trois
conditions :
- ne pas faire ce qu'il ne faut pas faire,
- faire ce qu'il faut faire,
- et que la mer le permette.
(P.431)
(Éditions Plon 1994 lu en collection Press Pocket)
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Jean-François Deniau (1928-2007)
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Mémoires de 7 vies
- Suivre un héros de roman est plus dangereux que mener sa propre vie : très
vite, on ne sait plus où se situe la réalité et ou commence la fiction.
(p.12)
- Le bonheur est aussi fait de mensonges par omission.
(p.17)
- Rien n'est plus dur que la simplicité.
(p.30)
- Trois fois par jour, si le temps le permettait, je faisais le point au sextant
et le marquais sur la carte affichée dans le carré le silence religieux qui
marque la célébration des mystères. L'instrument est déjà un objet assez
magique, avec ses cuivres, ses miroirs, ses écrans, ses graduations. Capter un
astre n'est pas rien. Les calculs et interpolations, à partir des colonnes des
chiffres et éphémérides nautiques puis des tables HO249, sont proprement
sorciers, et les meilleures s'y égarent, dont les plus connus sont nos
navigateurs. J'ai compris pourquoi il y avait si peu de mutineries du temps de
la marine en bois, alors que les équipages étaient de sac et de cordes,
ramassés de force dans les bas quartiers des ports et ne rêvaient que flibuste
et piratage à leur profit. Oui, mais ils ne savaient pas faire le point. Où
sommes nous ? Pas de réponse. Dans la seule mutinerie dont on parle toujours,
celle du Bounty, l'officier en second, qui savait faire le point,
s'était joint aux révoltés. Moi, bonne âme, j'ai appris à ceux des passagers
qui le souhaitaient. Ils ne s'en servirent pas pour hisser le pavillon noir.
Mais la diffusion des instruments modernes de positionnement par satellite, où
il n'y a qu'un bouton à pousser, devrait conduire les capitaines à une grande
vigilance.
(p.40/41)
- Sans les périls de la terre, il y a aussi celui de parler.
(p.49)
- Il ne faut pas en mer, écouter les grandes symphonies. Elles font double emploi
avec l'océan. Cuivres, cordes, percussions. Tutti, forte, riforzando.
Même régistre, oserai-je dire. Alors que la musique de chambre et mieux encore
la voix humaine, et plus beau que tout la voix féminine, prennent une dimension
sans rivale, boulversement de force et de fragilité liées.
(p.115)
- Il n'y a pas de bonne navigation pour celui qui ne sait où il va.
(p.155)
- Vivre, c'est survivre.
(p.157)
(Éditions Gallimard 1996 dans la collection Folio) ISBN : 9-782070-404124
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dernière mise à jour : 07/07/2024 #19/04/2013 # 02/05/2013
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version: YF/07/2007
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