Françoise Giroud (1916-2003)

Leçons Particulières.


  • «Si tu avances, tu meurs; si tu recules, tu meurs. Alors pourquoi reculer ? » (page 11; Devise des guerriers zoulous)

  • Préférer sa propre fin à sa déchéance, qui n'y souscrirait quand l'échéance est abstraite ? Mais, sur l'obstacle, souvent l'animal se rebelle. (12)

  • Vieillir est abject. (16)

  • Ne jamais écraser : ce pourrait être une devise.
    Ne jamais se laisser écraser: une résolution. (26)

  • On ne peut enseigner le courage. C'est affaire de viscères. Mais ont peut enseigner qu'il faut en avoir. (37)

  • Le représentation que l'on se fait du soi, il faut vivre avec. Alors, il est nécessaire de l'aimer un peu, de la trouver acceptable, si non ou suffoque. (107)

    (Librairie Arthèmes Fayard, 1990, Dans le livre de poche)


Si je mens


  •    Quand Chamberlain a compris qu'il n'était pas le Premier ministre capable d'être le chef de l'Angleterre en guerre, il a choisi lui-même son successeur, comme s'était alors la tradition au sein du parti conservateur anglais. Et il a désigné Lord Halifax. pour donner le maximum d'atouts au gouvernement, il a souhaité que Churchill fasse partie du cabinet. Il l'a convoqué et lui a dit : « Halifax est le meilleur, mais nous avons besoin de vous. Acceptez-vous d'être le numéro deux ? »

       Churchill par patriotisme, par devoir, par cette authentique grandeur qu'est l'abnégation devant l'intérêt supérieur, a dit oui. Quelques heures après, qui avait un peu de génie, Lord Beaverbrook, le tycoon de la presse anglaise, demande à Churchill de le recevoir d'urgence et lui dit : « Il paraît que vous avez accepté qu'Halifax soit Premier ministre ? Ce n'est pas possible ! » Churchill répond qu'il s'agit là d'une affaire d'État et qu'il n'en discutera pas avec lui. Beaverbrook insiste. Churchill remarque qu'il ne pouvait pas faire autrement. Beaverbrook dit : « C'est un crime contre la nation. Il n'y a que vous qui puissiez mobiliser la Grande-Bretagne », il insiste, il discute ; Churchill est au fond convaincu de ce que dit Beaverbrook mais objecte : « J'ai donné ma parole, je ne la reprendrai pas. »

       Alors Beaverbrook dit : « Je vous demande une seule chose. Quand vous serez convoqué par Chamberlain avec Halifax et qu'il vous demandera de confirmer votre acceptation, restez silencieux trois minutes. Trois vraies minutes. Cent quatre-vingts secondes. Avant de dire oui. Au nom de l'Angleterre je vous le demande ! » Churchill trouve cela saugrenu et ne voit pas comment cela pourrait changer la situation, mais il a de l'amitié et de l'estime pour Beaverbrook. Il promet.

       Le lendemain, Churchill et Halifax sont dans le bureau de Chamberlain, à Downing Street. Et Chamberlain dit : « Voulez-vous, je vous prie, confirmer à Lord Halifax que vous acceptez d'entrer dans son cabinet ?... » Et Churchill se tait. Dix secondes. Trente secondes. Cinquante secondes. Il se tait. Une minute. Il se tait. Une minute et demie. il se tait. Avant que les trois minutes se soit écoulées, Lord Halifax disait : « Je crois que c'est Churchill qui soit être Premier ministre. »

       Le moins qu'on puisse dire, c'est que ces trois minutes ont joué un rôle majeur dans l'histoire de la deuxième Guerre. (p254/255)

    (Edition Stock, 1974, Dans de livre de poche)


On ne peut pas être heureux tout le temps


  •    Comment cela peut-il arrivé à moi ? A moi !
       On a un coeur fier, dru, on est invulnérable à la fatigue, on irradie une énergie communicative, on reçoit des coups mais on se redresse, on prend des risques, on bouillonne de désirs, de révoltes, d'élan vital. Les années défilent par dizaines sans qu'on les voie passer...
       Un jour on se découvre petite chose molle, fragile et fripée, l'oreille dure, le pas incertain, le souffle court, la mémoire à trou, dialoguant avec son chat un dimanche de solitude.
       Cela s'appelle vieillir et ce m'est pur scandale. (p.9)

  •    Mais, quand on a du temps pour tout, on ne fait plus rien. Le travail structure, l'absence de travail déstrucure, j'en suis convaincue. Le loisir à foison n'est pas l'idée que je me fais du bonheur d'être. (p.158)

    (Librairie Arthème Fayard, 2001, Dans de livre de poche)



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dernière mise à jour : 10/05/2024 version: YF/06/2003