- Ce que j'entends par sentiment d'exister consiste à être en accord avec la façon dont se
déroule notre vie.
(p.11)
- ...notre sentiment d'exister semble étroitement lié à notre dignité d'être humain, à
l'opinion que nous avons de nous-même et à celle que les autres ont de nous. Cette
dignité est elle-même liée au respect que nous ressentons vis-à-vis de nous-même et à
celui que les autres nous accordent.
(p.14)
- L'existence est liée à la croyance, à ce que l'on croit qu'est ou devrait être notre
existence.
(pp.14)
- Le sentiment d'exister doit être distingué du sens de la vie. Viktor Frankl, Irvin Yalom
et les tenants de la thérapie existentielle invoquent l'idée que l'homme a besoin pour
vivre de donner un sens à sa vie. Je pense qu'il s'agit là d'une conséquence et non d'une
cause. Le sens de sa propre vie, de son utilité, surgit lorsque le sentiment d'exister est
déjà présent. Ce n'est pas le but qui confère l'existence, c'est le fait de se sentir
exister qui permet d'imaginer que l'existence a un but.. Je rejoindrai cependant Viktor
Frankl sur un point essentiel, quand il affirme que le sentiment d'un vide existentiel n'est
pas une maladie : « En ce qui concerne le sentiment de non-sens de notre existence, nous ne
devons pas faire l'impasse et oublier que ce n'est pas en soi une situation pathologique,
c'est plutôt la preuve de notre humanité.»
(p.15/16)
- Le sentiment d'exister n'a rien de naturel. C'est une construction destinée à échapper à
l'angoisse fondamentale que suscite la conscience de notre mort inéluctable.
(p.19)
- C'est une souffrance que ne ne plus se sentir exister aux yeux de l'autre, d'être devenu
transparent.
(p.22)
- Les relations sont des éléments essentiels au sentiment d'exister. En témoigne la douleur que
l'on éprouve à la perte d'une relation investie. La rapport à nos relations ressemble aux
investissements boursiers: si l'on n'investit pas, c'est à dire si l'on ne s'attache pas,
on ne peut pas gagner, mais si l'on investit, si l'on s'attache, on peut perdre.
(p.24)
- S'il n'y avait que les relations pour nous conférer le sentiment pour d'exister, nous
serions constamment dans une position périlleuse. La relation a besoin d'être encadrée,
socialisée. C'est la fonction des appartenances. Un relation laissée à elle-même, sans
socialisation, mène à une impasse [...] Il ne suffit donc pas d'établir des relations
interpersonnelles pour se sentir exister, encore faut-il que ces relations se situent
à l'intérieur de cercles d'appartenance qui les contiennent.
(p.32)
- Cette inscription au sein d'une famille est donc essentielle pour le développement
ultérieur de l'enfant. C'est alors qu'il reçoit la sécurité de base qui l'inscrit
dans la vie et qui lui donne l'assurance d'avoir le droit d'exister. Tous les enfants
ne reçoivent pas ce don. Le sentiment d'exister que confère l'appartenance à une famille
tient à ce que nous sommes reconnus aptes à la transmission et dignes de transmettre.
Autrement dit, la fonction d'une famille est de transmettre la capacité de transmettre.
(p.37)
- [...]Le couple est aujourd'hui une source majeure du sentiment d'exister.
(p.42)
- Exister, est un sentiment jamais entièrement intériorisé, mais qui tient au rapport que
nous entretenons avec le monde extérieur. Le besoin d'autonomie et le besoin de
dépendance sont liés. En effet, l'homme n'a pas la capacité de se faire auto-exister.
La liberté humaine consiste donc à choisir ses dépendances, c'est-à-dire les
relations qu'il tisse avec d'autres êtres et ses appartenances à des groupes qui lui
offrent une reconnaissance. Paradoxalement, plus on a de dépendances plus on est libre!
(p.49)
- [le sentiment d'exister:] C'est un rapport entre soi et le monde extérieur que l'on peut
définir en termes de dignité;[...]
(p.50)
- La notion de dignité est effectivement centrale et mérite d'être éclairée.[...]
(p.51)
- Quand on considère que vous êtes digne d'appartenir, il y a un présuppose de solidarité
au groupe qui va d'ailleurs éventuellement jusqu'au sacrifice de votre vie.
(p.52)
- Une fois acquis, le sentiment d'exister confère une sécurité de base qui tient au fait
que l'on se sent exister dans un espace et dans un temps. Ce rapport au temps est
fondamental : si j'existe, j'existe dans le temps, je sais que j'ai un passé et je
peux alors m'imaginer un futur, rêver des projets, donc je sais comment agir ici et
maintenant.
(p.61)
- Rappelons ceci : pour savoir se faire exister, il faut d'abord avoir reçu de l'amour
à la naissance et avoir été reconnu, essentiellement par sa famille. Ce capital
inestimable fournit une sécurité de base. Et plus tard, il faut avoir su s'investir
dans des relations et des appartenances.
Mais ce qui contribue à nous faire exister peut aussi nous faire souffrir ou mourir:
tout investissement affectif relationnel ou d'appartenance comporte un risque. Il peut
disparaitre ou devenir problématique.
(p.62)
- Il est particulièrement difficile, voire impossible, de renoncer à ce que l'on n'a
jamais obtenu... ['...' sont de l'auteur]
(p.65)
- La douleur qu'engendre le désamour est une source fréquente de souffrance.
(p.66)
- Le suicide est le fait de tuer la vie parce qu'on se sent déjà mort, mort dans la
mesure où l'on ne voit plus de sens à l'existence.
(p.74)
- Une façon de se donner le sentiment d'exister ou de le réparer est de laisser des
traces.
(p.89)
- Se faire exister après la mort, n'est-ce pas l'ultime recours contre le désespoir ?
(p.90)
- Les jeux dits de hasard sont justement ceux qui créent le fantasme qu'il n'y en a pas,
que le destin n'est pas aléatoire et qu'il ne va pas tarder à faire en sorte que
le joueur intègre le club des heureux élus de la fortune ! C'est attendre du sort
la confirmation de son existence, confirmer sa croyance en une bonne étoile...
(p.119)
- La passion est une des ressources dont nous disposons pour nous maintenir hors de
la dépression.
(p.120)
- La passion de la collection a une fonction analogue de permettre de se sentir exister.
(p.124)
- Ce qu'on appelle aujourd'hui « une dépression » est une manière de contenir le sentiment
de désespoir, qui consiste à ne plus percevoir un avenir, un but à notre existence,
et ce, pour diverses raisons, qui, si elles ne sont pas immédiatement perceptibles, n'en
sont pas moins toujours présentes. Ce sentiment ne tombe ni du ciel ni des gènes. Ce
n'est pas un destin, encore moins un destin biologique. C'est de l'humain à l'état pur.
Il est le produit d'un questionnement fondamental sur ce qui nous relie à notre existence.
(p.129)
- Si l'on suit mon hypothèse, le comportement dépressif peut être considéré comme une façon
de faire grève.
(p.134/135)
- Beaucoup de comportements qualifiés comme étant des maladies sont juste des réactions
normales à un environnement anormal, à un contexte ayant engendré une blessure grave qui a
le défaut de ne pas se voir, mais qui n'en est pas moins douloureuse, une blessure
produite par une atteinte à la dignité de ces êtres en souffrances. Quitter l'état de
passivité où la médecine place les sujets n'est pas une évidence. C'est pourquoi il est
important de repérer les réactions médicales dans ce qu'elles peuvent avoir de dangereux.
(p.142)
- Il me semble que lorsqu'un psychiatre donne un diagnostic, cela nous apprend plus sur
sa propre façon de créer son monde que sur le patient lui-même.
(p.143)
- Le « déprimé » est d'abord notre frère : il n'y a pas de destin programmé. Chacun peut, si les
circonstances s'y prêtent, se relier à un sentiment dépressif en raison d'une remise en
question de ce qui soutient son sentiment d'exister.
'p.144)
- La finalité de la psychiatrie, si elle ne veut pas se transformer en une psychiatrie
vétérinaire, ce n'est pas la santé, mais la dignité.
(p.149)
(Editions Payot - Collection Petite bibliothèque Payot -2012) ISBN : 978-2-228-91019-4
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