Corine Pelluchon (1967-2...-)

Réparons le monde

Humains,animaux,nature


  • Quelle conception de nous-mêmes et de la politique rend possibles un assujettissement des animaux ? (p.21)

  • [...] un être qui ressent la douleur et la souffrance de manière subjective trace des limites à notre droit de l'utiliser : [...] (p.26)

  • Car l'appartenance à l'espèce humaine n'est pas un critère suffisant pouvant justifier qu'un être soit traité sans qu'on prenne en considération son intérêt à ne pas souffrir. (p.28)

  • Cette remise en question des fondements de l'éthique et de la politique va de pair avec la réhabilitation de la sensibilité. (p.35)

  • Pour tolérer la souffrance qui est infligée chaque jour aux animaux, il faut user de stratégies psychologiques. C'est ainsi que de nombreuses personnes les excluent de la sphère de leur considération morale et ne réservent leur compassion qu'aux membres de l'espèce humaine. (p.38)

  • La prise en considération de notre finitude, la conscience de la communauté de destin nous unissant aux autres vivants changent aussi le régime de notre affectivité, c'est-à-dire nos évaluations, nos émotions, nos désirs et nos comportements. (p.40)

  • Le fait d'intégrer les animaux dans la sphère de sa considération représente un progrès moral qui est bénéfique aux relations que nous entretenons avec les autres humains. (p.41)

  • La cause animale s'inscrit dans un vaste mouvement qui se caractérise par la réhabilitation de la vulnérabilité, la prise en compte de notre finitude et des limite planétaires et par l'ouverture à l'altérité, qui est la reconnaissance de la positivité de la différence. (p.42)

  • [...] il y a un rapport entre l'acceptation de sa vulnérabilité et le fait d'assumer sa responsabilité entre tous les vivants. (p.45)

  • De manière générale, la santé d'une démocratie se mesure à sa capacité à laisser de la place à la conflictualité et à en faire le moteur d'évolutions sociales que nul ne peut complètement prévoir. (p.62)

  • Le dernier volet du combat en faveur des animaux consiste à encourager l'acquisition de traits moraux qui conduisent les individus à percevoir le respect envers les autres vivant comme une composante du respect d'eux-mêmes. (p.67)

  • Il n'y a qu'une seule éthique des vertus et elle implique une transformation globale du sujet qui affecte simultanément ses relations aux autres humains, aux animaux, à la nature et modifie la manière dont il exerce son autonomie politique. (p.69)

  • Le point de départ de la considération est l'humilité, qui n'est pas une vertu, mais la condition des vertus et qui rappelle à chacun sa condition d'être engendré en lui indiquant aussi ses limites ainsi que sa faillibilité, la possibilité qu'il a lui aussi de faire le mal.

    Dans la considération, la conscience d'appartenir au monde commun devient, pour le sujet, un savoir vécu qui conduit à l'engagement en faveur de la vie. (p.71)

  • La cause animale s'inscrit dans un vaste mouvement philosophique, social et politique qui vise à promouvoir un monde plus juste envers tous les vivants. (p.72)

  • [...] nous reconnaissons, aujourd'hui en gommant la dimension relationnelle de notre existence, nous avons peu à peu perdu le sens de ce qui nous reliait aux autres. Nous avons laissé le profit régner en maître, acceptant la subordination des toutes les sphères d'existence au profit. (p.87)

  • En faisant du rapport à soi la clef du rapport aux autres, humains et non humains, et à la nature, l'éthique de la considération implique un mouvement d'auto subjectivation : le sujet doit entreprendre un long travail sur soi pour affirmer son autonomie morale. (p.96)

  • [...] la présence de l'autre, quel qu'il soit, rompt la trame de mon existence , où je vivais seulement pour moi. (p.101)

  • Le sens de l'existence qui surgit de mon mode d'accès à l'autre est ce qui constitue l'éthique.[...]: autrui est celui que je dois protéger et celui que je peux vouloir tuer. (p.102)

  • nourrir, alors qu'il est possible, dans notre pays, de remplacer les protéines animales par des protéines végétales tout en restant en bonne santé. Ainsi lorsque je mange, je montre quelle place j'accorde aux autres êtres, humains et non humains, au sein de mon existence. (p.109/110)

  • Aussi l'éthique est-elle le fait d'assigner des limites à mon bon droit au nom du droit des autres à exister. (p.110)

  • Leq autre vertus cardinales que l'on retrouve dans l'Antiquité et au Moyen Age, à savoir la prudence, le courage, la tempérance et la justice, ont toujours un rapport avec l'art de la mesure. (p.115/116)

  • [...]La conscience que nous avons d'appartenir à un monde commun devient une évidence qui change notre perception de nous-mêmes et notre manière d'interagir avec les autres. (p.142)

  • Ce système [le capitalisme] est fondé sur le diktat du profit, c'est-à-dire qu'il commande la baise constante des coûts de revient au mépris des conditions de vie des êtres humains et non humains impliqués dans les modes de production. (p.160)

  • La maltraitance animale reflète les dysfonctionnements d'une société qui n'assigne aucune limite à la recherche du rendement maximal. (p.162)

  • Un homme prudent ne saurait être intempérant ou injuste. De même, le courage est une vertu éthique, mais il est aussi la condition de la vérité. En effet, le courage n'implique pas que la peur soit éliminée. Au contraire, les personnes qui ne veulent pas connaitre la vérité pour ne pas avoir peur manquent de courage. (p.184/185)

  • Enfin, le courage témoigne de notre engagement : il montre que l'on prend au sérieux les dangers d'une situation et révèle aussi que l'on est prêt à agir pour réparer le mal qui a été fait, lorsque cela est possible, ou sauver ce qui peut être sauvé. (p.175)

  • En effet, sans la vertu de tempérance, qui est la modération dans les appétits, il est difficile de modifier durablement se habitudes de consommation. (p.189)

  • La sobriété est, par définition, toujours heureuse. (p.189)

  • L'une des conditions pour acquérir cette juste appréhension de soi qui concerne à la fois l'intellect et la sensibilité est l'humilité. [...] L'humilité nous permet de nous corriger lorsque nous retombons dans l'orgueil, la démesure et la toute puissance. (p.193/194)

  • Souligner le rôle de l'humilité signifie que,[...] la vertu n'est jamais acquise une fois pour toutes, mais qu'il est nécessaire de remettre constamment le travail sur le métier parce que l'humain est faillible. (p.194)

  • [...] lorsque l'humain ne fait pas l'expérience de ses limites et de sa faillibilité e qu'il n'est pas conscient de sa tendance à l'orgueil et à la tout puissance, les vertus elles-mêmes se commuent en vices. (p.195)

  • L'acceptation de notre vulnérabilité et du caractère relationnel de notre existence est la condition pour vivre mieux avec et pour les autres en s'engageant à transmettre un monde habitable. (p.197)

  • La considération suggère que je m'intéresse aux êtres dans ce qu'ils ont de singulier et que je sais reconnaître leur altérité. (p.198)

  • Car, l'humain est prompt à profiter de la fragilité d'autrui pour s'imposer en l'écrasant. Il n'assigne pas non plus de limite à l'exploitation des autres vivants et des écosystèmes quand ils ne sont pour lui que de simples instruments au service de ses fins. (p.199)

  • Ainsi, on peut dire pour résumer qu'il n'y a pas de considération sans humilité, mais que la considération ne saurait exister non plus sans magnanimité. cette vertu morale est la clef d'un support sain à soi, aux autres, et comme chez Aristote, à la Cité. Elle n'est pas la force d'âme vantée par les Stoïciens, qui sont, comme le disait Michel Foucault, des « athlètes de l'évènement » dans la mesure où leur objectif est de développer une technique permettant aux êtres de supporter les revers de la fortune afin de conserver un empire sur eux-mêmes et de s'abstraire du monde. La magnanimité dont il est question dans l'éthique de la considération n'implique pas que le sujet soit centré sur lui, puisque la clé de toutes les vertus, leur socle, est une attitude globale à l'expérience de l'incommensurable, à la transcendance, et que, constamment, le sujet de la considération se rappelle sa condition charnelle et terrestre et fait pour ainsi dire des exercices d'humilité. (...] (p.200-201)

  • La vertu est donc inséparable de la poursuite de la vérité et de la justice qui sont des biens communs car ils reviennent de droit à toute personne qui les recherche et visent le bonheur de tous, et non au bien-être de quelques-uns. (p.204)

  • Même quand elles sont justes, les lois ne servent à rien si elles ne sont pas appliquées. (p.208)

  • Le capitalisme est un ordre monstrueux que nos désirs non nécessaires et nos passions tristes ont rendu implacables. (P.211)

  • La transition énergétique est inséparable de la transition écologique qui implique une reconversion de l'économie : celle-ci ne peut plus se fonder sur une croissance illimitée ni sur la croyance illusoire sur une disponibilité infinie des ressources. Cette rupture par rapport au modèle actuel de développement passe aussi par un remaniement complet de nos valeurs et de nos manières d'être. Cet aspect semple être le défi le plus difficile à surmonter. (p.214)

  • Nos choix énergétiques sont une manière de dire si nous respectons (ou pas) le droit des générations futures à bénéficier d'un environnement sain et de conditions de vie compatibles avec leur épanouissement et avec le maintien de la démocratie et de la paix. (p.221)

  • En fondant notre modèle de développement sur l'utilisation illimitée des ressources et sur le droit de chacun à jouir d'un bonheur défini presque exclusivement de manière matérialiste et individualiste, nous n'avons pas seulement ignoré la finitude de la biosphère ; nous avons aussi gommé cette dimension relationnelle de l'existence humaine et généré une éclipse du politique, devenu l'instrument de l'économisme. (p.222)

  • Les représentations négatives du vieillissement et du handicap véhiculées par « l'éthique de l'autonomie » s'expliquent par le fait que, dans cette idéologie, la possession des capacités intellectuelles est le critère de la dignité. (p.255)

  • Pour réparer le monde, il faut faire de la place à chacun, donc aux plus fragiles et aux grands vieillards, et les aider à trouver leur place. (p.255)


    (Editions Payot & Rivages, Paris 2020. Lu dans la collection "Rivage Poche" n°953) ISBN : 9 782743 649982



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dernière mise à jour : 28/08/2021 version: YF/11/2020