Jean-Bertrand Pontalis (1924-2013)
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Fenêtres
- [A propos de psychanalystes]: Et il y a des malheureux qui s'en remettent à ces gens-la !
(p.21)
- Chacun de nous a son idée pour expliquer et même pour justifier qu'il est fait
comme il est fait.
(p.28)
- Pourquoi vouloir immobiliser des écrits qui, au mieux, viennent seulement scander une
pensée, une parole, éventuellement une écriture en mouvement ?
(p.30)
- ..celui qui est de plain-pied dans le monde qu'il tient pour seul réel est un homme
appauvri, à jamais séparé des sources de la vie.
(p.34)
- Le rêve ne me transporte pas dans un autre monde, il pense et me pense.
(p.37)
- La tristesse tue l'imagination
(p.53)
- Peut-il y avoir une déception sans attente, avec une attente qui ignore ce qu'elle
attend, qui attend plus ou autre chose, une attente de l'inattendu ?
(p.55)
- Une excellente soirée, décevante. Peut-être y manquait-il une femme qui l'aurait
troublé ou des propos qui auraient pu le mettre en colère.
(p.55)
- ..la lancinante déception de n'être pas parvenu à décevoir.
(p.56)
- Si nos mères n'étaient pas décevantes, nous ne recevrions rien de ce que, par surprise,
offre la vie.
(p.57)
- Me voici soumis à un objet sur lequel je n'ai aucune prise. J'en suis épris. Je suis
pris. Ce que j'aime est simultanément ce qui me persécute.
(p.67)
- L'intolérance à la séparation ne viendrait-elle pas plutôt du sentiment ( le mot est
faible) que mon existence ne tient qu'a un fil ?
(p.79)
- [psychanalyse - psychothérapie] Alors où situer la différence, d'où découlent
toutes les autres, entre les deux dispositifs ? Quand le choix est celui du face-à-face,
le patient et l'analyste n'oublient pas qu'ils s'adressent à quelqu'un.
(p.84)
- L'oubli nécessaire pour donner de l'épaisseur au temps, pour accéder au temps sensible.
L'épreuve du deuil, de la perte, de la séparation d'avec soi est ce qui nous
délivre de la reproduction à l'identique.
(p.107)
- Faire en sorte que l'autre se sente, se veuille vivant. Je ne sais pas trop ce que
j'entends par là. Peu importe.
(p.120)
- .. se fier à ce qu'il y a de vivant en chacun.
(p.121)
- C'est souvent dans les mots d'un livre que je trouve une interprétation qui m'est
destinée.
(p.124)
- L'analyse est peut-être, avec l'amour la seule expérience qui vous emporte « hors de soi».
(p.125)
- Peut-on mettre d'un côté l'amour que m'inspire cette femme et, de l'autre, la découverte
de l'amour.
(p.144)
(Editions Gallimard. 2000 Dans la collection Folio)
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Jean-Bertrand Pontalis (1924-2013)
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L'enfant des limbes
- Ne pas être fini. Mais être là, hors du temps mesurable comme de l'éternité.
(p.12)
- Autant d'image, autant de possibles. Pourquoi avoir suivi, je ne peux pas dire : choisi,
ce chemin plutôt qu'un autre ?
(p.17)
- Les lieux dépendent pour une large parts de nos états.
(p.26)
- Je ne pressens qu'une chose: que mon au-delà est ici, que mon « autre monde », proche et
lointain, est ce qui me rend vivant. Si je n'y avais pas accès, je serai quoi ? une
machine intelligente ? un animal bien adapté ? Une pierre muette ? (Tentation aussi
de n'être que cela).
(p.27)
- « Nous ne savons jamais ce que voient les yeux que nous regardons». Michel Schneider dans
Baudelaire. Les années profondes
(p.34)
- Non, il lui suffit d'un mot gentil pour que sa journée en soit comme illuminée et de
l'absence d'un sourire pour qu'il se sente atterré, inexistant.
(p.53)
- L'imparfait du rêve, le rêve imparfait. Il n'est pas vrai que le rêve satisfasse
pleinement le désir. Sans doute y vise-t-il mais il y échoue, de là son charme : ne pas
combler, pour mieux maintenir vivante l'attente, pour entretenir l'impossible, frôler
l'interdit.
(p.56)
- « Le coeur se serre à la séparation des songes tant il y a peu de réalité dans l'homme.»
Chateaubriand Vie de Rancé
- Est-ce que ça existe, une attente sans espoir ?
(p.66)
- « ... Notre unique peine est que sans un espoir nous vivons en désir.» Dante L'enfer, chant
IV,41-42)
(p.67)
- ...ma mémoire ne serait qu'un cimetière si l'oubli, sans cesse, n'exerçait ses pouvoirs et
n'avait sa manière à lui de procéder dont j'ignore les lois.
(p.87)
- « ... sait-on jamais ce qui se passe à l'intérieur d'un homme ? »
(p.92)
- Comme ce serait redoutable d'être pleinement compris !
(p.125)
- Le Mal. Pourquoi est-ce que je vois la volonté méchante s'exercer et s'accomplir
toujours dehors, jamais en moi.
...
Pourquoi est-ce que je me sens si prompt à endosser le rôle de la victime, jamais
celui du bourreau, du tortionnaire, du meurtrier ?
(p.140)
- J'aimerai ne jamais cesser de venir au monde.
(p.141)
- Privé de la lecture, je serais réduit à n'être que ce que je suis.
(p.146)
- Il avait toujours un peu peur quand il lui arrivait de tomber amoureux, ne sachant
jamais si ce qui lui tombait ainsi du ciel annonçait une catastrophe ou un temps
délicieux.
(p.153)
- Il aimait plaire, il ne cherchait pas à séduire, s'en sentant peu capable.
(p.154)
- Il ne supporte pas longtemps de haïr.
(p.155)
- Mais c'était ainsi: la force des choses,le temps qui passe et nous change. Personne
n'était coupable.
(p.158)
- Un innocent coupable malgré lui. De quel péché originel ?
(p.159)
- Mettre de l'ordre: pressentiment de la mort qui attend patiemment derrière la porte.
(p.162)
(Editions Gallimard. 1998 Dans la collection Folio)
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Début de page
En marge des jours (2002)
- Si c'était quand le corps commence à se déglinguer qu'on ressentait que l'âme n'a pas
d'âge. (p.43)
- « Le fond de l'amour c'est de penser à quelqu'un hors de sa présence, puis hors de
propos, puis malgré la présence», écrit Hector Bianciotti...
(p.57)
- « Pourquoi souffrirais-je de ne plus connaître ces plaisirs, puisque je n'en ai plus
envie ? Je n'ai renoncé à rien puisque rien de ce que j'ai aimé ne m'attire plus.»
Je me garde de lui dire que l'absence de désir est bien pire que tout renoncement.
(61)
- L'opposition civilisation/barbarie s'effondre quand la barbarie est incluse dans
la civilisation, quand l'inhumain est au coeur de l'humain.
(p.77)
(Editions Gallimard. 2002 Dans la collection Folio)
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Jean-Bertrand Pontalis (1924-2013)
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L'amour des commencements
- Pour vivre et se croire libres, il nous faut plusieurs espaces.
(p.27)
- Ecrire, s'écrire, c'est ça : s'assurer qu'on n'a pas vraiment renoncé, qu'à
travers la succession des illusions défaites, la chose en soi demeure,
qu'elle a la vie plus dure que la vie!
(p.41)
- D'où nous viens l'amour des commencements sinon du commencement de l'amour ?
De celui qui sera sans suite et peut-être par là sans fin.
(p.70)
- En a t-on jamais fini avec la première fois ?
(p.123)
- Et puis, s'il fallait souffrir,autant que ce fût pas les femmes.
(p.134)
- L'instant, cette précieuse blessure d'un temps autrement voué à l'indifférence.
(p.167)
- Je tairai son nom moins par discrétion que parce que le lien qui nous a unis
un temps demeura secret et n'a pu se nouer, intense et tenu, que dans ce
secret partagé.
(p.169)
- Le paradoxe du moment présent, c'est qu'il ne se laisse saisir qu'une fois révolu.
(p.165)
- Mais qu'est-ce qu'une vie si on ne se la raconte pas ? Et, nous le savons,
pour une seule vie, il y a cent biographies possibles.
(p.178)
- On peut trouver du plaisir dans l'exil, quand on l'a choisi.
(p.185)
(Editions Gallimard. 1986 Dans la collection Folio)
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Jean-Bertrand Pontalis (1924-2013)
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Un jour, le crime
- Je vois dans la violence une menace.
(p.11)
- Un crime inhumain ne saurait être commis que par des non-humains.
(p.21)
- Ce qui provoque l'antipathie de Freud, c'est que Dostoïesvski est selon lui un
« caractère pulsionnel ». [... ] Il n'a pas accompli «l'essentiel de la moralité
qui est le renoncement».
(p.58)
- Le «caractère», immuable, fixe un destin. La pulsion est une exigence. Elle exige
satisfaction.
(p.59)
- [sur un prêtre qui a commis un crime sur une femme qui attendait un enfant de lui :]
Je suis prêtre, je reste prêtre, je n'ai jamais renié mon sacerdoce. Il a gardé son
« christianisme intégral», écrit Jouhandeau, qui ajoute : « Le propre du christianisme
et le plus proprement du catholicisme, c'est qu'à l'homme tout est permis, même le pire,
du moment que la miséricorde de Dieu est infinie, excepté d'en désespérer. »
(p.109)
- Combien de fois me suis-je dit et redit ces mots de Phèdre, en essayant de les faire
miens : « Ect-ce un si grand malheur que de cesser de vivre ? »
(p.128)
- Voilà, tout est dit, et cela a été dit, mieux que dit, cela a été écrit, inscrit, comme
l'était la sentence sur la peau du condamné, par Frans Kafka, avec une précision
égale à celle de la machine, de la herse aux pointes acérées, dans un récit à glacer
le sang intitulé La Colonie pénitenciaire, publié en 1919, soit une vingtaine
d'années avant l'existence des camps. Les camps, des machines à extermner « qu'il fallait
encore servir ».
« La faute est toujours certaine. »
La certitude absolue est celle de la folie raisonnante.
Elle est la matrice de la terreur.
(p.143)
(Editions Gallimard. 2011)
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dernière mise à jour : 16/10/2014
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version: YF/04/2002
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