Albert Schweitzer (1875-1965) [Prix Nobel de la Paix 1952]
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Hommage à Albert Schweitzer
- Hommage
Trop souvent on ne se borne à voir en Schweitzer qu'un médecin idéaliste, qui à l'âge de
trente ans, alors qu'il avait déjà derrière lui une carrière toute faite, de pasteur, de
philosophe et de musicien, se décide à tout lâcher pour partir en Afrique soulager les
souffrances humaines.
On croit avoir tout dit. Le médecin ne peut faire oublier cependant les autres carrières
de Schweitzer: C'est au coeur de l'Afrique qu'il produira des oeuvres philosophiques d'une
portée universelle.
Ce sera d'abord: « La philosophie de la civilisation » où il étudie les raison de la décadence
de celle-ci, qu'il attribue à la philosophie. La philosophie n'a pas su maintenir vivante en
l'homme l'affirmation du monde . L'affaiblissement de cette affirmation signifie
aussi le recul de l'éthique.
La décadence est due à la conception du monde , qui n'a pas su maintenir les
idéaux de la renaissance et du stoïcisme qu'on redécouvre à cette époque.
Mais la décadence est due aussi aux circonstances de la vie contemporaine qui refuse à
l'individu l'occasion de penser indépendamment. Tout nous amène à l'abdication de la
pensée, - le travail en chaîne, l'importance des « groupes », les organismes de toutes
sortes, la propagande, la science qui étant trop étendue, amène la résignation, car on
ne peut plus la comprendre dans tout ses aspects: « L'esprit de notre temps contraint
donc l'homme à douter de sa propre pensée, afin de lui amener à recevoir ses vérités
du dehors ».
Nous sommes dans la décadence car nous sommes à l'époque de la masse populaire et des
slogans.
Si donc l'on veut contrer cette décadence, il faudra rendre à l'homme la confiance
en soi, - il faut qu'il comprenne qu'il n'y a d'action morale possible que dans une
conception du monde où le respect de son prochain et de tout ce qui vit en général soit
rétabli.
Ce respect de toute existence Schweitzer le trouve dans la pensée de l'Inde.
Dans « Les grands penseurs de l'Inde » il étudie l'évolution de la pensée Indoue à la
lumière de la « conception négative » du monde, que l'on retrouve dans les hymnes
védiques. Ce que les brahmanes (prêtres) préconisent, ce n'est pas un agir « Par delà
le bien et le mal » mais une « Non agir ».
L'homme qui a une conception négative du monde pense que la vie est dépourvue de sens,
pleine de douleur et il tend à annihiler sa volonté de vivre (qui à l'extrême conduit
au suicide), il renonce à toute activité qui tend à créer de meilleures conditions
d'existence.
Sa conception du monde l'amène à négliger tout progrès matériel et le brahmane ne
s'efforce qu'à atteindre un perfectionnement intérieur - et rentrer en communion avec
l'âme universelle (mysticisme).
Mais la négation du monde « frappe de mort l'éthique active ». La pensée de l'Inde
en cherchant de fonder une éthique deviendra donc de plus en plus affirmative.
Schweitzer termine « Les grands penseurs de l'Inde » par des réflexions personnelles
sur le lien entre l'éthique et la mystique. A travers la pensée indienne il a aperçu
qu'on ne peut fonder valablement l'éthique sur la mystique de l'identité avec le
monde. « La mystique née de l'éthique, par contre, peut admettre que l'esprit
universel et le monde restent un mystère insondable pour nous...»
« La mystique éthique reconnaît la valeur de toute connaissance, elle sait que toutes
les recherches et toutes les découvertes de la science ne peuvent qu'approfondir le
secret de tout ce qui existe est volonté de vivre ».
C'est par cette volonté de vivre que Schweitzer en arrive au « Respect de la vie » par
lequel il en vient à fonder toute sa pensée. Par le respect de la vie il lui trouve
un sens et parvient aussi à fonder une éthique.
(Article de Y. Frisch paru dans le Mensuel du Cercle Culturel Juif (Anvers) en Octobre 1965 - Un mois après la mort d Albert Schweitzer survenue le 4 septembre.)
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Citations sur ce cite
Lien(s):
Association A.Schweitzer,
La voix d'Albert Schweitzer,
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dernière mise à jour : 23/11/2009
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version: YF-11/2002
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